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Par Ross F. Collins, professeur de communication, North Dakota State University, Fargo
Nous avons vu en 2011 la fin du 93ème anniversaire du grand idéalisme des Etats-Unis, qui a mené le pays à lutter en France, et pour la France. En 1918 l'armée américaine est entrée dans l'Hexagone par millions de soldats: 3,7 millions ont servi en France. Mais on oublie souvent que les américains sont allés en France avec le déclenchement des hostilités, en 1914, comme volontaires pour les Alliés. Ils étaient peu nombreux en nombre; mais comme influence ils étaient une force, aussi bien en France qu'aux Etats-Unis. Le but de cet article est de décrire en détails les contributions de ces volontaires américains en France avant l'arrivée de l'armée du Général Pershing.
Des 3 600 volontaires qui ont servi en France, la plupart ont fait la guerre dans ce secteur de Verdun. Nous citerons en particulier le premier aviateur de la célèbre Escadrille Lafayette, Victor Chapman, qui a donné sa vie au service de la France, en trouvant la mort au dessus des tranchées de Verdun.
Le chapitre relatif à l'aviation américaine est le plus connu des actions concernant les volontaires américains pendant la Grande Guerre. Cependant, son importance n'est pas si grande si on regarde les chiffres. Seulement 128 Américains ont servi comme combattants volontaires avant l'entrée des Etats-Unis dans la guerre en 1917. De ce chiffre, 90 ont servi dans la Légion étrangère, et 38 comme aviateurs dans l'Escadrille Américaine.
Si un américain avait pour ambition de lutter pour les alliés dans le début de la guerre en automne 1914, le moyen le plus simple était de se présenter auprès du commandant de la Légion étrangère. La Légion, pour la première fois, s'est réorganisée pour une guerre à l'intérieur de l'Hexagone. Ainsi, n'importe quel volontaire pouvait s'inscrire comme simple soldat, sans aucunes questions fâcheuses sur sa nationalité ou bien sur sa moralité.
Cependant, pour la majorité des américains, la décision de s'inscrire n'était pas une question de fuir leurs problèmes quotidiens. En effet, une des caractéristiques marquantes de ces volontaires dans le premiers mois de la guerre est leur appartenance sociale. La grande majorité de ces américains sont issus de grandes familles américaines, aisées et de très bonne éducation.
Prenons pour exemple le cas d'un des plus célèbres, Alan Seeger. Poète, diplômé de l'université d'Harvard en 1910, Seeger s'est retrouvé à Paris en août 1914. Il a décidé immédiatement de rendre service à Marianne. Pourquoi ? Il a donné cette explication pour lui et pour ses compatriotes dans les pages du New Republic, dans un des nombreux d'articles écrits par ces volontaires imprimés dans les journaux américains:
Paris—mystique, éternelle, qui a pris corps, à qui ils doivent les moments les plus heureux de leurs vies -- Paris était en péril. N'étaient ils pas sous une obligation morale, non moins forte que leurs camarades qui étaient liés par la loi, à opposer leurs poitrines entre elle et la destruction ? Sans reniant leur nationalité, ils avaient pourtant choisi de fonder leurs foyers ici, au-delà des autres villes du monde. Est-ce que les bénéfices et les bénédictions qu'ils ont reçus ne leurs donnent pas un devoir que l'entendement et la conscience ne peuvent nier?
[Paris--mystic, eternal, personified, to whom they owed the happiest moments of their lives—Paris was in peril. Were they not under a moral obligation, no less binding than [that by which] their comrades were bound legally, to put their breasts between her and destruction? Without renouncing their nationality, they had yet chosen to make their homes here beyond any other city in the world. Did not the benefits and blessings they had received point them a duty that heard and conscience could not deny?]
Si l'amour pour la France en péril a donné une forte motivation aux recrues comme Seeger, l'idéalisme dans les buts de la guerre a motivé des autres. Ils croyaient être en croisade, dans une lutte claire entre le bien et le mal. Le 3 août 1914, Paul Rockwell et son frère, Kiffin, ont écrit une lettre au consulat français à la Nouvelle Orléans, pour offrir leurs services. La France, ont-ils dit, était un symbole de la cause humaine, la plus noble des causes. Ils n'attendaient pas de réponse. Le 4 août, ils ont quitté les Etats-Unis pour la France, avec l'intention de s'inscrire dans la Légion étrangère.
La francophilie des jeunes américains de bonne éducation, l'idéalisme pour une guerre destinée à sauver la civilisation de la barbarie ont été les motivations importantes des américains qui ont décidé de risquer leurs fortunes et leurs vies pour la cause des alliés. Même s'il y avait aussi des motivations plus simples comme l'aventure, l'héroïsme, une vie de danger et d'excitation. Ces émotions des jeunes hommes ont motivé d'autres volontaires., comme dans les mots de Seeger:
L'occasion de vivre sans tâche/et le rare privilège à mourir bien.
[That chance to live life most free from stain/And that rare privilege of dying well.]
Si l'imagination et l'inspiration étaient la motivation de quelques uns, pour d'autres, on trouvait une bonne raison avec difficulté. Eugène Bullard, boxeur sans travail qui se trouvait à Paris quand on a déclaré la guerre, a dit :
Eh bien, je n'en suis pas certain, mais il doit y avoir plus de curiosité que d'intelligence.
[Well, I don't rightly know, but it must have been more curiosity than intelligence.]
Quelle fut la réponse de la France à ces américains hardis? Tout d'abord, l'admiration, mais aussi la suspicion. L'admiration, parce que personne ne s'attendaient à ce que des américains, formellement neutres, mettraient leurs vies en jeu pour la France. Henri Gouraud, commandant du front de Champagne nous dit:
Les jeunes américains qui sont entrés dans la Légion étrangère et l'Escadrille américaine sont des héros dans tous les sens du terme, et la France devrait leur rendre tout l'hommage que ce mot implique.
[The young Americans who entered the Légion Etrangère and the Escadrille américaine are in every sense heroes, and France owes them all the homage that word implies. ]
Mais en même temps que cette gratitude, le gouvernement de la France a montré aussi de la suspicion. Il y avait le danger que l'accueil d'américains (et d'autres étrangers) dans l'armée française est de faire rentrer des espions, ou même des traîtres. Par conséquent, dans les premiers dix-huit mois de la guerre, Paris a bloqué les américains, les empêchant d'aller au front, sauf pour les 90 de la Légion étrangère. Mais les volontaires faisaient beaucoup d'efforts pour prouver leur passion comme soldats dans les tranchées. En fin de compte, 38 des 90 ont été tués ou sont morts de leurs blessures. Presque tous les autres ont été blessés plusieurs fois. Huit ont reçu la croix de la Légion d'honneur; 21 ont reçu la Médaille militaire; 52 ont reçu la croix de guerre. Il est évident que les américains ont fait preuve de leur volonté à se sacrifier pour la France.
C'est pour cette raison qu'en 1916, le gouvernement français a donné la permission aux américains d'établir à part une division d'aviateurs: l'Escadrille américaine, appelée également l'Escadrille Lafayette. Cette escadrille a captivé les imaginations depuis la guerre jusqu'à aujourd'hui. Des centaines d'américains se sont déclarés membres de cette escadrille, mais en fait seulement 37 hommes ont réellement servi dans l'escadrille, avant son absorption dans l'armée américaine en janvier 1918.
Une grande moitié a trouvé la mort, comme Victor Chapman, qui se trouvait à Paris avec sa famille en août 1914. Il était diplômé d'Harvard en 1913, étudiait les Beaux-arts à Paris quand la guerre s'est déclaré. Sa famille est allée à Londres, mais Chapman est revenu pour lutter pour le drapeau tricolore. A vrai dire, la raison pour laquelle Chapman s'était inscrit dans la Légion étrangère n'était pas exactement un sentiment francophile. Ses amis et ses collèges ont décrit un homme qui cherche le danger, l'aventure, l'adrénaline de la bataille. Chapman dit qu'on ne peut avoir le sentiment d'être "vraiment en vie" sauf en face du danger.
Dans les tranchées, comme beaucoup de volontaires américains, Chapman a vécu des périodes d'inactivité. Il en profite pour écrire des articles destinés aux journaux américains. La majorité des volontaires des Etats-Unis étaient des hommes cultivés, et avaient une belle plume. Chapman a écrit une description de la trêve de Noël en 1914, un événement connu dans les Etats-Unis, mais, évidemment, censuré en France à cet époque. Mais il n'aime pas les tranchées et la Légion étrangère. Il veut devenir aviateur.
Les avions comme instruments de guerre avaient bercé son enfance. Dans cette guerre moderne d'obus, de mitrailles et de morts par milliers, c'étaient les aviateurs qui avaient gagné le cœur du public, comme des héros du ciel. L'occasion d'être un héros, un chevalier moderne, a aussi captivé les soldats comme Victor Chapman. Chapman a persuadé son commandant de lui autoriser son transfert à la nouvelle escadrille américaine, en avril 1916. Chapman le hardi était le premier à mourir, dans le secteur de Verdun, en juin 1916. Les autres aviateurs ont qualifié certaines de ses actions téméraires de "presque suicide." Néanmoins, Chapman a démontré le tempérament bon et mauvais des aviateurs de cette époque, et sa mort a laissé une grande impression dans son équipe. "Il n'est pas question que Victor ait plus de courage que la reste de nous ensemble", a dit Kiffin Rockwell, qui a trouvé la mort, lui aussi, trois mois plus tard. Aristide Briand lui-même l'avait mentionné dans un discours à la chambre de commerce américaine, le 4 juillet 1916. Il a dit que Chapman était "un symbole vivant d'idéalisme américain".
Si les aviateurs restent aujourd'hui les plus célèbres des volontaires américains pendant cette guerre, leur importance dans les batailles était donc moindre. C'est bien sûr un triste constat, parce que la plupart d'entre d'eux n'ont pas survécu la guerre. Car moins spectaculaires, mais d'une plus forte efficacité, il y avait les équipes d'ambulanciers américains. Ils étaient d'un nombre plus important: environ 3 500 volontaires américains ont conduit des véhicules pour trois organismes de secours avant l'entrée des Etats-Unis dans la guerre. Le plus important, l'American Field Service, a dirigé en 1917 plus de 1 000 ambulances, un important siège à Paris, un poste de réparation, un poste d'entraînement pour les conducteurs, et son propre hôpital. Richard Norton de l'Université d'Harvard, qui a établi son propre service, a dirigé 100 bureaux de recrutement aux Etats-Unis. Il a même persuadé le philosophe Henry James d'écrire des articles en Amérique pour vanter son action.
Norton était fils d'un professeur d'histoire d'art réputé à Harvard. En effet, les universités prestigieuses de la côte est étaient d'une forte influence dans le recrutement de volontaires pour la France avant 1917. Dans les services des ambulanciers américains en 1917, 348 étaient d'Harvard, 187 de Princeton, 202 de Yale, 122 de Cornell. Dix-huit étaient des étudiants de Rhodes, à Oxford. Presque tout le monde était issu d'une grande université. Le recruteur principal de Norton, Henry Sleeper, a cherché exprès dans les universités pour jeunes hommes de bonnes familles. Pourquoi? Un écrivain contemporain (Edwin Morse) a expliqué que ce service demandait des hommes de grande disponibilité et avec des ressources financières personnelles, avec une bonne intelligence et de l'esprit d'initiative. Cela s'explique aussi par le fait que la côte est du pays est plus lié avec l'Europe, de par sa culture, son histoire, et ses racines. En dépit de l'appel du Président Woodrow Wilson en faveur d'une neutralité stricte, le gouvernement américain ne proposait pas de sanctions pour les américains qui avaient décidé unilatéralement de rendre service aux alliés. Donc, les volontaires eux-mêmes n'ont porté aucune attention au gouvernement, ou bien même en ont montré du mépris. Ces hommes ont qualifié la neutralité du président Wilson "la politique débile".
Ils ont eu par ailleurs un grand allié dans la lutte contre la neutralité américaine, Theodore Roosevelt, l'ancien président. Roosevelt a eu une popularité immense dans la nation et même dans le monde. Il s'est déclaré contre la neutralité de Wilson, son ennemi politique. Pour encourager les volontaires, Roosevelt a dit en 1915 que les corps d'ambulanciers étaient "des jeunes hommes qui ont aidé notre pays à sauver son âme." En effet, il avait lui-même offert ses services comme volontaire en 1917, offre rejeté très rapidement par Wilson.
Au départ, le gouvernement français s'est méfié de ces américains qui proposaient un service d'ambulanciers. Comme il n'était pas question d'avoir des étrangers au front, dans les six premiers mois de la guerre, on a défendu aux américains de servir dans des postes de secours. Ils ne pouvaient seulement que transporter des blessés entre les hôpitaux, ou des trains sanitaires à l'hôpital.
Des personnages importants ont fini par persuader les autorités françaises d'effectuer un changement. Des principaux on retient Robert Bacon, ancien secrétaire d'état et ambassadeur en France, et Anne Harriman Vanderbilt. Ils ont trouvé les moyens et les contacts nécessaires pour créer un service américain en France. Abram Piatt Andrew, ancien professeur d'Harvard, a bénéficié d'une relation avec André Tardieu de l'Etat-major de Joffre. H. Herman Harjes, un dirigeant de la banque Morgan-Harjes à Paris, a établi son propre service d'ambulanciers avec 17 voitures Ford, un don des universités d'Harvard et de Yale.
Le service aux postes de secours, qui se trouvaient seulement à un ou deux kilomètres du front, était le plus dangereux et le plus difficile. Bien évidemment, les activités des ambulanciers n'étaient pas du même niveau de danger que celui des soldats. Des 2 437 conducteurs pour le AFS, 127 sont morts. Mais si le travail était relativement sans danger, leur importance dans cette guerre n'était pas négligeable. Les ambulanciers assuraient pour que certains soldats puissent survivre et retourner aux tranchées.
Au delà de leurs actions directes pour les alliés, ou bien comme ambulanciers pour l'humanité en général, les volontaires américains avaient également une importance dans la propagande. Il est vrai, par exemple, que les ambulanciers ont passé deux tiers de leurs temps en repos. Comme hommes (et un nombre très faible de femmes) bien cultivés, ils ont comblé leurs temps libres avec la plume. Les autorités militaires ont interdits les journalistes professionnels au front. Les volontaires américains ont pris leurs places. Ils ont écrits des articles pour toutes sortes de publications américaines influentes, y compris des journaux et des revues comme le New Republic, le World's Work, l'Outlook, l'Atlantic Monthly, la Nation, et le Scientific American. Des recueils de ces articles ont été quelquefois publiés. Quelle était l'influence des ces articles sur l'opinion public aux Etats-Unis?
Dans l'étude de la communication, on parle de la théorie de "leaders d'opinion." C'est-à-dire, on dit que des gens cultivés et importants dans une société guident l'opinion du peuple. Dans cette guerre, ces écrivains étaient membres de l'élite. Leurs articles ont directement parlé d'aventure, de l'héroïsme, de la justice, et de la bataille ultime contre la barbarie et pour la civilisation. Andrew, directeur de l'AFS, est convaincu que les efforts des volontaires ont joué un rôle dans le changement d'opinion aux Etats-Unis en faveur des alliés. Edwin W. Morse, qui a écrit en 1922, croyait aussi que ces hommes étaient essentiels dans l'effort de "créer et de cristalliser l'opinion public du pays en faveur de l'entrée des Etats-Unis dans la guerre."
Il est impossible pour un historien de trouver l'évidence définitive de l'influence des médias, avant l'invention des sondages scientifiques. Mais on peut conclure, au moins, que les français pendant la guerre ont gardé un fort sentiment de gratitude pour les américains qui ont couru le risque de se battre pour la France. Comme a dit l'ambassadeur français aux Etats-Unis en 1916, "Jamais de mon pays nous n'oublierons les volontaires américains de la Grande Guerre. Quelques uns, selon leurs pouvoirs ont offert leur plumes, leur argent, leur aide à nos blessés, ou leurs vies."
Exposé présenté au colloque "L'Armée américain en guerre," Verdun, France, septembre 2008.
Références
Ezra Bowen, Knights of the Air. Alexandria, Va: Time-Life Books, 1980.
Henry P. Davison, The American Red Cross in the Great War. New York: Macmillan, 1919.
Vincent J. Esposito, ed., A Concise History of World War I. New York: Praeger, 1964.
Philip M. Flammer, The Vivid Air. the Lafayette Escadrille. Athens: University of Georgia Press, 1981.
Arlen J. Hansen, Gentlemen Volunteers. The Story of American Ambulance Drivers in the Great War August 1914-September 1918. NY: Arcade Publishing, 1996.
Jennifer D. Keene, Doughboys, the Great War, and the Remaking of America. Baltimore and London: Johns Hopkins University Press, 2001.
Edwin W. Morse, The Vanguard of American Volunteers. In the Fighting Lines and in Humanitarian Service August, 1914-April 1917. NY: Charles Scribner's Sons, 1922.